« Comme un lièvre effarouché »: ce sont les mots qu’un habitant d’un village ukrainien couche sur un papier intercepté par les autorités soviétiques en 1949. En Ukraine occidentale et en Lituanie, comme partout dans les territoires est-européens devenus soviétiques en 1939-1940, puis à partir de 1944-1945, la peur d’être condamné à l’exil rôde depuis leur annexion et ne s’estompera qu’à la mort de Staline. Le bilan sera lourd. Mêlant histoire par le haut et par le bas, Alain Blum et Emilia Koustova explorent les mécanismes répressifs des déportations de masse et les trajectoires des victimes. Leur vécu oriente l’enquête, leur parole, longtemps ignorée, en est le cœur. Des centaines de lettres découvertes dans les archives et d’entretiens menés auprès des derniers témoins racontent la violence de l’arrachement, les épreuves imposées par la survie dans les confins glacés de la mer des Laptev, la taïga sibérienne et les steppes d’Asie centrale, puis un long, parfois impossible, retour vers les terres d’origine. Ces voix entretiennent une mémoire qui, encore aujourd’hui, imprègne les sociétés post-soviétiques, et éclaire peut-être notre présent.
Déportés pour l'éternité. Survivre à l'exil stalinien, 1939-1991, ouvrage coécrit par Alain Blum et Emilia Koustova, publié par les Editions de l'EHESS et Ined Editions, Paris, 2024.